Episode Transcript
[00:00:22] Speaker A: Bonjour à toutes et à tous et.
[00:00:24] Speaker B: Bienvenue dans ce podcast ! Aujourd'hui, nous vous proposons un voyage un peu particulier, une rencontre qui en réalité n'a jamais eu lieu. En préparant ce projet, nous nous sommes demandés est-ce que Simone de Beauvoir vivait encore aujourd'hui ? Que penserait-elle du monde actuel des avances féministes, des nouveaux débats sur les genres et l'égalité ? Pour répondre à ces questions, nous avons imaginé une interview fictive entre elle et un journaliste. Bien sûr, les propos que vous allez entendre sont une réconstitution basée sur ses écrits, ses idées et son engagement. Et loin d'être une simple fiction, cette conversation vise à donner vie à ses réflexions dans notre époque moderne.
Alors, installez-vous confortablement et laissez-vous transporter dans cet échange avec Simone de Beauvoir.
[00:01:28] Speaker A: Bonne écoute.
[00:01:41] Speaker B: ! Alors, Simone de Beauvoir est l'une des figures intellectuelles les plus marquantes du XXe siècle.
philosophe, romancière, militante féministe et théoricienne, son ouvre a profondément influencé la pensée contemporaine. Née à Paris en 1908, De Beauvoir était une élève brillante et une étudiante en philosophie à la Sorbonne.
et avec le philosophe Sartre, elle a développé l'existentialisme, un courant philosophique qui repose sur l'idée que l'existence précède l'essence, affirmant que l'individu est libre de se définir et de se réaliser par ses choix, tout en étant influencé par des conditions sociales et historiques.
En 1949, avec Le Deuxième Sexe, De Beauvoir s'est imposée comme l'une des pionnières du féminisme moderne. Elle y analyse la condition féminine et remet en question les rôles traditionnels imposés aux femmes.
Son travail ne se limitait pas à la théorie. Elle militait aussi activement pour l'émancipation des femmes et pour les droits à l'avortement, notamment, et des thèmes qui ressent encore aujourd'hui.
En dehors de sa pensée révolutionnaire, ses romans comme Les mandarins et ses mémoires ont fait d'elle une écrivaine versatile. Décédée en 1986, Simone de Beauvoir reste une figure incontournable dont l'influence perdure dans les débats sur l'égalité et la liberté.
Et maintenant, cette extraordinaire personne dont je vous ai parlé est ici avec nous et prête à nous présenter son monde intérieur. Le moment est arrivé, Simon de Beauvoir, bienvenue au CMK Studio à l'Université de Passau. On est ravis de vous avoir ici avec nous.
[00:03:49] Speaker A: Bonjour, ça me fait aussi plaisir d'être ici.
[00:03:52] Speaker B: Bon alors, commençons-nous avec notre interview et précisément avec votre enfance.
[00:03:59] Speaker A: Avec plaisir.
[00:04:01] Speaker B: Et quand je me confrontais avec votre enfance, Simone, j'ai remarqué que votre père a joué un rôle signifiant dans votre vie. Oui. Georges Bertrand de Beauvoir était un passionné de théâtre et d'art dramatique et il a toujours pensé que le plus beau métier est d'écrivain.
Pensez-vous que l'opinion de votre père vous a influencé d'une manière ou d'une autre? Et quel rôle a-t-il joué dans votre carrière?
[00:04:38] Speaker A: Alors c'est une très bonne question et mon père, Georges Bertrand de Beauvoir, était un homme de grande culture, passionné du théâtre et de la dramatique.
En fait, il venait d'une famille noble, mais après avoir perdu sa fortune, il a dû abandonner certaines de ses ambitions.
[00:04:56] Speaker B: Oui, d'accord.
[00:04:57] Speaker A: Et pourtant, il gardait une admiration profonde pour les écrivains et répétait souvent, comme vous avez déjà dit, les plus beaux métiers et d'écrivains.
Il voyait la littérature comme un espace de liberté absolue. Et de mon plus jeune âge, il m'a transmis cet amour des mots.
Dans mon enfance, il m'encourageait à lire et à m'instruire, ce qui n'était pas toujours commun pour une fille à cette époque.
[00:05:26] Speaker B: Pas du tout.
[00:05:27] Speaker A: Et grâce à lui, j'ai découvert les grands auteurs classiques, Racine, Molière, Baudelaire, et beaucoup plus. Et j'ai compris très tôt la puissance des idées et de l'écriture. Je me souviens encore de ces récitations théâtrales qui me fascinaient et me donnaient envie, moi aussi, d'exprimer quelque chose de grand.
Mais cette admiration pour l'intelligence avait ses contradictions comme beaucoup de choses dans la vie. Et mon père, comme beaucoup d'hommes de sa génération, croyait à la supériorité intellectuelle des hommes. Et il disait avec fierté que j'avais un cerveau d'homme. Comme si l'intelligence n'était pas naturelle chez une femme.
Et j'ai senti très tôt que, malgré son affection, il ne voyait pas au moins une future grande écrivaine ou philosophe, mais plutôt une jeune fille destinée au mariage. Et cette injustice m'a révoltée.
[00:06:26] Speaker B: Oui, bien sûr, je comprends.
[00:06:28] Speaker A: Et alors, oui, d'une certaine manière, il a joué un rôle déterminant dans ma carrière, mais peut-être pas comme il l'aura imaginé. Son influence m'a développée, mais c'est aussi en réaction à ses limites et à celles de la société que j'ai voulu prouver que les femmes pouvaient être des penseuses, des écrivaines et des êtres libres. En cela, il m'a involontairement donné l'un des plus grands moteurs de ma vie.
Le refus des barrières imposées aux femmes et la quête absolue de l'indépendance. Tout à fait.
[00:07:04] Speaker B: Il admirait la littérature et le métier d'écrivain, mais il pensait qu'il les réservait aux hommes. Et dans son épris, Il s'agissait d'une profession exclusivement masculine. Ainsi, lorsqu'il parlait de son amour de la littérature, il vous inspirait en tant que sa fille, mais malheureusement, cela n'a jamais été dirigé contre vous. Ou du moins, il n'a pas imaginé que vous pourriez un jour le devenir.
[00:07:34] Speaker A: C'est ça, c'est ça.
[00:07:35] Speaker B: Malgré tout, vous avez parvenu à devenir une autrice célèbre et appréciée. Merci beaucoup.
[00:07:42] Speaker A: Oui, je suis totalement déçue.
[00:07:44] Speaker B: Merci à vous. Le féminisme vous remercie de vous être consacrée à l'écriture, car vous êtes l'écrivaine de ce qu'on appelle la Bible féministe. Votre essai, le deuxième sexe, publié en 1949 en deux volumes, « Les faits et les mythes » et « L'expérience vécue ». Il est aujourd'hui considéré comme la base de la deuxième vague féministe et sans aucun doute, Il a marqué le début d'une ère de nombreuses revendications. Et si l'on devait voir, pourriez-vous nous en parler en détail ?
[00:08:26] Speaker A: Oui, bien sûr, mais premièrement, merci beaucoup pour cette introduction. « Le deuxième sexe » est sans doute l'une de mes œuvres les plus importantes, et je suis vraiment touchée qu'on la considère comme une référence du féminisme moderne.
Et lorsque j'ai entrepris cet essai, mon objectif était de comprendre ce que signifie véritablement être une femme dans notre société. Mon but était d'analyser et d'énoncer la condition féminine en montrant comment les femmes ont été historiquement réduites à un rôle secondaire par rapport aux hommes.
[00:09:02] Speaker B: C'Est une lecture que j'ai beaucoup aimé et mais il y a une des phrases qui m'a marqué le plus et ta célèbre citation et.
[00:09:15] Speaker A: On n'est pas.
[00:09:16] Speaker B: Femme, on le devient. Et j'aimerais beaucoup que vous nous expliquiez un peu ce que ça veut dire, pour que nos auditeurs aussi la comprennent bien. Alors, que voulez-vous dire lorsque vous affirmez que l'on n'est pas femme, mais que l'on le devient ?
[00:09:34] Speaker A: Alors, ma célèbre phrase « On n'est pas femme, on le devient » résume exactement l'idée centrale de mon livre. Elle découle de mon approche existentialiste « Les sens précèdent l'essence ». Autrement dit, nous ne naissons pas avec une identité prédéterminée, mais nous la construisons à travers nos expériences et sous l'influence de la société, en fait.
Et je voulais montrer que les mots femmes, en tant que réalité biologique, ne correspondent pas à la manière dont les femmes sont perçues et traitées socialement. Être une femme n'est pas seulement une question de sexe biologique, mais aussi de genre, c'est-à-dire un rôle construit par des rapports, des pouvoirs et des dominations.
La société a souvent justifié ces rapports en naturalisant des comportements, en faisant quoi qu'ils étaient dictés par la biologie plutôt que par la culture.
[00:10:34] Speaker B: C'est vrai, oui.
[00:10:35] Speaker A: Et mon propos n'était évidemment pas de nier la réalité biologique du sexe, mais de contester l'utilisation de cette réalité pour justifier l'inégalité.
Et trop longtemps, la biologie a servi de prétexte à l'oppression sous couverte de nature féminine. On a asservi les femmes, on les a empêchées de devenir pleinement des êtres libres.
Et à travers le deuxième siècle, j'ai voulu offrir aux femmes une clé pour comprendre leurs conditions, mais aussi une invitation à la révolte, à refuser les rôles imposés, à s'affirmer comme sujet et non comme objet.
car ce n'est qu'en se libérant de cette essence fabriquée que chaque femme pourrait réellement devenir elle-même.
[00:11:21] Speaker B: C'est très intéressant. En fait, le sujet que vous avez mentionné sur la biologie du sexe m'a rappelé le séminaire que j'ai fait récemment sur l'imposition sociale faite aux femmes d'être mères.
[00:11:36] Speaker A: C'est très intéressant.
[00:11:37] Speaker B: Et là, je parle de vous dans mon travail, bien sûr, et j'utilise votre théorie comme base.
Et j'ai trouvé ça révolutionnaire quand vous avez expliqué que les éléments biologiques ne déterminent pas ce que l'on considère comme féminin ou masculin. Et vous dites que l'idée de la maternité fait croire que les corps des femmes sont faits pour être au service de la naissance et de l'éducation des enfants. Et cela a souvent servi à justifier leur soumission et leur dépendance dans la société, en faisant croire que la maternité était la voie vers leur épanouissement, alors qu'en réalité, c'est souvent à limiter la liberté des femmes.
[00:12:24] Speaker A: Exactement, vous avez raison.
[00:12:26] Speaker B: En parlant d'imposition sociale, une autre imposition sociale est l'hétérosexualité. Vous avez mentionné à plusieurs reprises, Madame de Beauvoir, que vous aviez eu des relations avec des femmes, rompant ainsi avec ces mandats.
et c'est pendant et c'est quelque chose que vous savez garder secret toute votre vie. Pouvez-vous expliquer pourquoi plus précisément et comment géreriez-vous cette situation aujourd'hui?
[00:12:59] Speaker A: Alors vous avez raison, l'hétérosexualité a longtemps était imposée comme la norme sociale, presque comme une évidence indiscutable, j'ai effectivement eu des relations avec des femmes tout au long de ma vie, mais je n'en ai pas parlé ouvertement à l'époque.
Avec le recul, je crois que cette affaire faisait partie de mes regrets. Dans les années 1970, lorsque j'ai commencé à échanger avec des militants de la nouvelle vague féministe comme Alice Schwarza, j'ai compris que la visibilité de toutes les formes de sexualité pouvait être un acte politique en soi. Et Alice m'a posé cette question directement. Qu'auriez-vous fait différemment? Et ma réponse était sincère, j'aurais parlé plus ouvertement de ma sexualité. Et j'ai réalisé que même si la sexualité relève en partie de la sphère privée, elle peut aussi devenir un levier d'émancipation collective.
Et ne partageant pas cette facette de ma vie, j'ai peut-être raté l'occasion de briser un autre tabou et d'encourager d'autres femmes à vivre leur vérité sans honte. Oui, peut-être. Et cependant, il est essentiel de replacer cela dans le contexte de l'époque. Le tabou autour de l'homosexualité était immense.
Déjà, en tant que femme intellectuelle et philosophe, j'étais la cible de nombreuses critiques, parfois violentes. Et en me traitant de démouleuse, de la famille, de corruptrice, de mûre, m'afficher ouvertement bisexuelle aurait sans doute renforcé ces attaques. Peut-être même mis en péril mon travail et ma voie publique.
[00:14:53] Speaker B: Vous avez raison là.
[00:14:55] Speaker A: Et aujourd'hui, je pense que je me sentirais plus en sécurité pour parler de cela librement. Les débats sur la diversité sexuelle ont énormément progressé et de nombreuses voix courageuses ont ouvert la voie à une plus grande acceptation. Et j'admire les femmes et les hommes qui ont osé s'exprimer souvent au prix des lourdes conséquences. Si je pouvais m'adresser à la jeune Simone, je lui dirais de ne pas avoir peur d'assumer toutes les facettes de son identité, parce que chaque histoire partagée est une pierre ajoutée à l'édifice de la liberté.
[00:15:33] Speaker B: Exactement. Heureusement, de nos jours, les différentes orientations sexuelles sont mieux acceptées dans notre société. L'un des éléments que je crois à l'origine de cette et acceptation sont les réseaux sociaux qui servent de plateforme pour rendre visibles toutes sortes de relations romantiques ou d'expressions de genre. Mais non seulement cela, mais aussi les réseaux sociaux ont servi à rassembler les communautés en les rendant plus fortes et plus résilientes. Et le célèbre mouvement hashtag MeToo est un exemple très clair pour cela aussi.
Un peu de contexte pour vous, Simone de Beauvoir, et pour ceux qui ne connaissent pas ce hashtag. Le mouvement hashtag MeToo est né en 2006, mais il a pris une ampleur mondiale en 2017, après que de nombreuses femmes ont partagé leur expérience de harcèlement et d'agression sexuelle sur les réseaux sociaux.
[00:16:40] Speaker A: Ah, j'ai compris.
[00:16:41] Speaker B: Son objectif est de dénoncer les violences sexuelles souvent minimisées ou ignorées et de briser le silence autour de ces sujets. En donnant une voix à des millions de femmes, Hashtag MeToo a permis de sensibiliser la société sur l'omniprésence du harcèlement sexuel dans tous les secteurs. Et malheureusement, Le mouvement a également provoqué une prise de conscience collective et a poussé la mise en place de lois plus strictes et de politiques de tolérance zéro contre les agressions sexuelles.
Enfin, il a ouvert un débat sur les rapports de pouvoir entre les sexes et il a renforcé la lutte pour l'égalité et les droits des femmes dans le monde entier.
Sachant cela, Simone, et je vous demande, soutiendrez-vous le mouvement hashtag MeToo?
[00:17:36] Speaker A: Donc ça a l'air super, c'est une excellente initiative, absolument. Je soutiendrai sans réserve le mouvement hashtag MeToo. Ce mouvement incarne parfaitement l'esprit de révolte contre l'oppression dont je parlais déjà dans le deuxième sexe, oui. C'est vrai.
Et je suis particulièrement impressionnée par la manière dont les réseaux sociaux ont permis cette libération de la parole. À mon époque, nous n'avions pas ces outils pour nous rassembler et amplifier nos voix.
Oui, moi-même, souvent, j'ai ressenti une forme de solitude dans mes combats. Mais aujourd'hui, grâce à ces nouvelles plateformes, les femmes peuvent se soutenir mutuellement, créer des solidarités internationales, et cela est profondément révolutionnaire. Bien sûr, tout mouvement comporte des risques d'excès ou de dérive, mais l'important, et hashtag me too, a permis de mettre en lumière une réalité qui avait été ignorée pendant longtemps. Et il a ouvert la voie à des réflexions essentielles sur les dynamiques du pouvoir, sur le consentement, sur la place des femmes dans l'espace public et privé. Et je crois que ce mouvement n'est pas seulement une réaction, mais aussi une construction d'avenir.
Il nous rappelle qu'aucune libération n'est jamais acquise, qu'il faut continuer à lutter pour l'égalité, pour la dignité, pour la liberté de chaque individu en dehors de son genre ou de son orientation sexuelle.
[00:19:16] Speaker B: Oui, c'est très important ça.
[00:19:18] Speaker A: Et je pense que le féminisme est une affaire commune aux hommes et aux femmes, et que les hommes ne vivront dans un monde plus juste et mieux organisé que si les femmes ont un statut plus équitable et plus décent. L'acquisition de l'égalité entre les sexes est une tâche qui encombre aux deux.
[00:19:36] Speaker B: C'est vrai, c'est vrai. Merci pour cette réponse si complète, Simone.
[00:19:40] Speaker A: De rien.
[00:19:42] Speaker B: Nous revenons à la réalité en tant que Paula et Rike du cours du français. Nous espérons que vous avez aimé le podcast et que vous avez appris des choses nouvelles. Notre but était de vous rapprocher à la vie de Simone de Beauvoir et ses pensées en les donnant vie dans un contexte plus actuel.
Personnellement, je crois que cette femme est une véritable référence dans la lutte pour les droits des femmes et l'égalité du sexe. Son ouvrage Le deuxième sexe a profondément changé la manière dont la société perçoit la condition féminine et il a ouvert la voie à de nombreuses réflexions sur la liberté et l'autonomie des femmes.
J'admire sa capacité à lier la philosophie et l'engagement social. Son impact se fait encore voir et sentir aujourd'hui et ses idées restent essentielles pour les générations actuelles. Comme par exemple, pour moi, lors de la rédaction de mon séminaire à Bight sur un sujet aussi actuel, Simon de Beauvoir était très important pour mon travail.
Et c'était vraiment un plaisir de consacrer du temps à cette personne, surtout aussi avec ce format-là.
[00:21:06] Speaker A: Oui, là où je te rejoins, c'est sur ce point-là, la création du podcast. Et moi, je pense que c'était une nouvelle méthode de faire une réflexion sur une personnalité qui, malheureusement, n'est pas là. Mais pendant notre recherche, nous avons été en lien avec d'autres podcasts qui ont, entre autres, le même but que nous.
Mais quand même, il y a toujours d'autres points de vue et c'est vraiment enrichissement pour créer une mémoire collective.
Alors, c'est tout pour nous. Nous espérons que vous l'avez apprécié et nous nous réjouissons de vos commentaires.
[00:21:42] Speaker B: À bientôt!
